Qui vivra Vera
Elle s’appelait Vera. Bosniaque d’origine. Elle avait échoué dans notre
banlieue fin des années quatre vingt dix. Conséquence de la guerre là
bas. Elle y avait perdu un frère, un père. Elle avait elle même été
violée par des miliciens. Elle était brune et jolie. Son regard bleu
acier vous transperçait. Elle atteignait à cet âge mûr où la femme
maîtrise tout le potentiel de sa beauté et de sa sensualité. Elle était
pour le moins redoutable. Elle était la maîtresse attitrée de l’adjoint
au maire. Elle occupait à ce titre un magnifique F3 en bords de Marne et
avait obtenu des responsabilités dans la cellule culturelle. C’est de
cette façon que je fis sa connaissance. Je pus approcher le phénomène.
J’eus droit au même déferlement de séduction qu’elle infligeait à tout
homme approché. On doit éprouver cela aux prémices d’un ouragan ou d’une
éruption de volcan. Ça décoiffe. J’avais mainte fois pu admirer sa
silhouette, ses longues jambes et ce joli cul nanti du port quotidien
d’une minijupe, de bas et d’escarpins. Je conçois qu’un autre et
notamment une femme et rivale eussent trouvé cela vulgaire. Etait-il
raisonnable qu’une femme à quarante ans put s’attifer de la sorte. Son
beau visage était relevé de trop de maquillage. Les contradicteurs
parlaient de ravalement. Personnellement j’accordais à ces défauts une
polarité toute contraire. Je la trouvais d’autant plus fascinante.
J’eus du mal à cacher mon sentiment. Elle avait cependant l’habitude de
bouleverser un mâle et elle marqua sans trop d’ostentation son triomphe.
Elle me gratifia du sourire le plus pudique dont elle fut
capable. Et puis j’étais un vieux monsieur, j’eus pu être son père. J’en
pouvais paraître inoffensif. Je n’étais pas de ces prétendants à la
vouloir culbuter dans un coin aspirant à obtenir toutes ses faveurs.
Cette condescendance paradoxalement me servit. Je la pus approcher et me
familiariser avec elle impunément. D’être considéré quantité négligeable
ne comporte pas que des inconvénients. De même j’étais précédé d’une
réputation. J’avais des relations dans l’édition parisienne et le monde
du cinéma. Ceci acheva de me rendre sympathique. Elle rêvait de gloire.
A la mairie j’aidais à l’établissement de la nouvelle et moderne
médiathèque. Je donnais force conseil et supervisais les commandes de
livres et autres médias. Véra me secondait et je pus d’emblée mesurer
que cette femme que j’avais catalogué en un certain genre n’en montrait
pas moins de l’esprit et une vaste culture que je n’eus soupçonné. Un
jour admiratif je dus lui concéder que si la vie n’avait été tant
cruelle pour elle et qu’elle fut né en un autre milieu elle eût atteint sans doute
à un plus grand destin. Elle sourit et m’avoua qu’elle avait depuis en
chantier un roman où elle relatait cette expérience cruelle de la guerre.
Plus tard j’obtins de lire le début de son manuscrit. Cette confidence nous
attacha davantage.
Je connaissais son amant et protecteur. Hâbleur il ne put s’empêcher de
vanter ses performances au lit avec Vera. Il ne pouvait concevoir que je
pus être un rival. Afin d’humilier peut-être l’intellectuel que j’étais,
il se faisait fort de me rappeler qu’il y avait ici-bas d’autres
félicités que les miennes. Cet imbécile ne pouvant imaginer que j’avais
eu une jeunesse et peut-être de semblables histoires. Bref je le
laissais à son illusion et même le flattait. J’admettais volontiers
qu’il faisait des jaloux en s’étant aliéné la femme la plus belle du
coin. En même temps je rêvais que quelqu’un put le rabaisser voire le
cocufier. Véra était de taille à faire cela. Ainsi fis-je part à
celle-ci des propos de son amant.
Elle en parut blessée. Elle ne voulait pas apparaître sous ce jour. Son
passé de garce lui pesait. Elle rêvait manifestement de rédemption
artistique. Elle cracha son mépris de ce type. Il était comme les autres
un porc. Elle concédait qu’au départ il avait été gentil. Lui avait
trouvé un appartement et cet emploi utile. Elle pensait cependant
l’avoir dédommagé et pouvait aspirer à autre chose. Elle eût à ce moment
un regard vers moi d’une relative éloquence encore que je ne sus en
découvrir toute la signification. Je me dis que peut-être ne me
trouvait-elle pas insignifiant ou que du moins elle attendait quelque
chose. Il parut de plus en plus que l’écriture et la finalisation de son
roman lui importait. Elle voulait qu’il fut édité et comptait sur moi.
Par là j’avais prise sur elle.
A partir de ce jour nous devînmes amis. Elle acceptait mes remarques
quant à la forme de son roman. Je l’invitais deci-delà à plus de
concision et de pudeur. Elle devait se méfier de son sentimentalisme
slave. Quant à ses maladresse de forme je la rassurais. Des correcteurs
ratt****raient cela. Avec moi son projet parut du coup possible et
pouvant prendre de l’ampleur. Je lui fis même entendre que la matière
étant riche, elle pourrait écrire cela en deux fois et donc ménager une
suite pour peu que le premier récit eût du succès. Pour achever de la
convaincre je lui confirmais que nombres éditeurs à Paris étaient de mes
amis. Présentation pourrait-être faite.
Cette dernière annonce sembla la convaincre de me séduire tout à fait.
Elle a du souvent par les sens attacher les hommes. J’entrais dans ses
plans. Qui plus est elle avait beaucoup d’admiration et d’estime pour
moi. Elle me concéda même qu’elle ne dédaignait pas mon genre de charme.
Je faisais hobereau voire gentleman anglais. Cette dernière remarque me
fit rire. Jamais une femme ne m’avait loué de la sorte. On usait plus
souvent du terme de vieux beau. De mon côté je concevais enfin que cette
femme pouvait être mienne fut-ce un jour. Je ne mésestimais pas de faire
cocu l’imbécile. A partir de là j’eus plus de témoignages de son désir.
Elle commença à m’allumer.
Il nous arrivait souvent de partir ensemble en mission. Nous prenions ma
voiture. J’avais du mal à ne pas contempler ses belles cuisses toute
serties de bas. Sa jupe courte m’offrait un peu de chair blanche à la
naissance du bas. Elle sortait des fois à dessein son pied de l’escarpin
en jouant. Tout cela me fesait irrépressiblement bander. Elle se
tournait vers moi alors avec un énigmatique sourire. Je pouvais
interpréter celui-ci comme une excuse de m’avoir excité. Cela me pesait
à présent. J’étais prêt de sortir de ma réserve initiale. Je n’étais
plus le vieux monsieur timorée d’avant. J’étais à cran autant qu’un
autre un mâle qui la voulait posséder. Le porc se signalait en moi.
Un matin après une longue réunion en un endroit de la préfecture. Nous
partîmes nous délasser par une marche près du canal. Il avait plu. L’air
été saturé d’odeurs du proche automne. J’avais le cœur ivre car empli
d’elle. Surtout il ne m’avait pas échappé au cours de la réunion que
nombre d’hommes avaient gravité autour d’elle. Elle avait même supplanté
les autres jeunes et jolies femmes. J’étais jalousement furieux. Je ne
concevais pas qu’elle put appartenir ainsi à tous les autres. Elle vit
que j’étais morose. Elle comprit d’instinct qu’elle en était cause. Elle
marchait assez loin devant me laissant loisir d’admirer ses jambes et
son cul.
Oui à cet instant j’avoue, j’étais furieux et triste. Quel intérêt
qu’elle m’alluma et qu’il n’en résultat rien pour nous. C’est à ce
moment affectant de récupérer quelque chose au sol qu’elle se baissa
livrant au regard tout le dessous de sa jupe courte. Je lui vis
distinctement sa culotte transparente et le haut de ses bas. Quel
magnifique spectacle. En même temps sa ample chevelure brune dégoulinait
vers le sol. Elle restât assez longtemps pour que je m’en repais. Il
était par trop évident que c’était pour moi qu’elle s’était baissée.
Arrivant à son niveau je crus devoir m’arrêter et observer une sorte de
silence comme pour témoigner que je la désirais.
J’en admirais le galbe nerveux des jambes dont le mollet si bien dessiné
en le bas sombre était admirable. Belle elle était, juchée sur
l’escarpin. Il était émouvant juste dessous la jupe de contempler le
trait supérieur du bas en forme de liséré illustrant la suavité d’une
chair crue et blanche. Témoignage de la vie et de voluptés coupables à
venir. Puis cette culotte d’un ton blanchâtre et transparent recelant
l’offrande du cul semblait comme un défi comme une provocation à l’homme
que j’étais. Il se jetait à ma figure impérieux et vulgaire. J’y rêvais
déjà à m’ébrouer. Organe autonome vivant d’une vie a****le. Je fus tenté
un instant d’y porter la main.
Après que s’être redressée nous échangeâmes un regard vide de
signification. Nous étions ailleurs et en même temps sur la même
longueur d’onde. Nous repartîmes en silence vers la voiture. Dans
celle-ci nos têtes se rapprochèrent pour un baiser fougueux. Nous nous
abandonnions au destin inéluctable. Je sentais une envie de pleurer.
J’avais attendu trop longtemps. Elle eût en cet instant un regard
maternel. Elle comprenait mieux que moi. Ces longs doigts au bout
desquels resplendissait son vernis rouge m’infligèrent ses caresses.
Bientôt elle branla une queue extirpée puis elle suça. J’avais oublié
depuis longtemps la volupté d’un geste prodigué par l’être qu’on a désiré.
Elle crut devoir me vendre le conte qu’elle en avait envie si longtemps
et que seul mon air sévère et imposant l’avait retenu de son geste
téméraire. Bien sure je n’en croyais rien. Il m’importait peu qu’elle me
jouât la comédie. Néanmoins j’avais la faiblesse de croire qu’il y eût
là-dedans quelque vérité. Peut-être me respectait-elle. Peut-être
méritais-je vraiment son cadeau. Nous fîmes l’amour le jour même chez
moi. Elle me félicita de ma vigueur. Je luis dis en riant que je
n’effectuais pas en vain ma gym quotidienne. J’en pouvais remontrer à de
plus jeunes. Pour achever mon bonheur elle ajouta que je baisais mieux
que l’autre. Sa tête de cocu alors se marqua dans mon esprit. Notre
liaison dura deux ans.
Loin de me lasser je devins fou amoureux de son corps. C’était
déraisonnable. Ce ne pouvait que mal finir. Notre relation n’avait pas
d’avenir. Entre temps son manuscrit fut achevé. Comme promis nous fîmes
le tour des éditeurs. Sur six, deux parurent sincèrement intéressés.
Enfin après avoir discuté âprement de changements notables, il fut
arrêté qu’on éditerait au printemps prochain ce petit chef d’œuvre.
Quelqu’un d’avisé avait substantiellement ravalé nombre de passages. je
dus concéder l’efficacité du retraitement. Le résultat était plus
convenu mais toucherait les lecteurs. J’en convainquis Véra. Le fond de
son témoignage demeurait.
L’éditeur sut faire la promo. Il avait à sa solde et dans des bonnes
feuilles des critiques. La rumeur fit tant et si bien que le récit fut
reçu plutôt favorablement. Heureusement le fond, le témoignage d’une
femme héroïque l’emportait sur le convenu du style. Véra eût la
consécration d’une première télé. Puis en grande actrice, elle y
manifesta tant son charme que d’autres voulurent l’inviter. Je n’eus pas
la preuve qu’elle usa pour cela de certains atouts mais tout était
possible. Enfin au bout de six mois son roman fut succès de librairie.
Elle parvenait enfin à la gloire. Nous nous fâchâmes. Ce fut moi à
dessein qui provoqua cela. Plus tard elle devint maîtresse et femme de
son éditeur.